En 1800, le département de l’Eure aurait compté pas moins de 628 moulins. En 1900, dans tout le département on ne comptait plus que 444 moulins. A Croisy, on compte deux moulins. On peut regretter qu’aucun des deux n’ait gardé son mécanisme et que les roues soient aujourd’hui immobilisées ou supprimées.
Le moulin de Croisy sur le bras Sagout date de la fin du 16ème siècle ou du début du 17ème siècle. le bras a été creusé à bras d'homme
Nous vous parlerons dans cet article de l’autre moulin, plus ancien, qui se situe sur le bras du moulin du bechet, dérivé de l’Eure.
Il date du 16ème siècle et on retrouve les aveux d’inventaire émis par écrit en 1684, 1710 et 1735. Un acte de 1732 mentionne l’état du bras Sagout et du moulin de Croisy. Le cadastre datant de 1700, retrouvé dans les greniers du château de Croisy montre sa position dans le village. Les chemins de communication longeant et traversant la vallée, le gué situé juste en aval, les bras de décharge et d’irrigation, sont intéressants à remarquer, car déjà à cette époque, l’ensemble de l’infrastructure routier et hydraulique jouait un rôle dans la disposition du village.
Les reproductions des cartes postales montrent le moulin au tout début du siècle.
La modernisation du moulin et la réalisation des mécanismes pour broyer et moudre le blé ont été commandées par M. Delaroche, propriétaire du château en 1892 et effectuées par la société Piat et Fougerol d’Auxerre. L’ensemble des plans et dessins est conservé encore au château de Croisy. La prisée de ce moulin dans laquelle est répertorié tout le détails des mécanismes date de 1921, et lui attribue un prix de 6486F .
Cette modernisation n’empêchait pas cependant les problèmes antérieurs de régulation de fonctionnement générés par la fougue et les caprices de la rivière dont le débit était très irrégulier et en particulier lors des crues.
Nelly Baudet, épouse Moinet, raconte les souvenirs de sa mère Cécile Coulon née (1895) et ayant vécu dans le moulin exploité par ses parents au début du siècle :
Lors des fortes inondations, sa mère était obligée de dormir dans le petit canapé installé dans la salle des machines pour guetter, « au bruit », l’emballement de la roue et pouvoir immédiatement dégager le barrage de cochonneries diverses et variées venant en particulier du moulin Sagout exploité par l’entreprise LAVRIL , qui « balançait dans le bras Sagout des caisses, des détritus et même des animaux crevés ». Les nuits étaient courtes et peu reposantes.
Le moulin était solidaire du château et de la ferme puisque au début du 20ème siècle, il alimentait leurs éclairages en électricité. Il fournissait l’eau à un château d’eau et aux citernes desservant trois points de stockage dans le grenier du château, ainsi qu’un autre château d’eau alimentant les réseaux d’arrosage des pelouses, massifs floraux et potagers de la ferme et du parc.
L’exploitation du moulin s’est complètement arrêtée en 1965. En fait, dans les années 50, il stoppa petit à petit, toute activité de fabrication de farine ne servant que de stockage de sac de blés. Il fut racheté en 1972 par M. Martin dans l’intention d’y faire un restaurant et une boite de nuit en collaboration avec Roger Lanzac, célèbre présentateur de la piste aux étoiles. Malheureusement (ou heureusement pour le calme du village), le projet n’a pas abouti pour des raisons de sécurité et de non-conformité aux règles régissant l’accueil du public dans un lieu privé, ceci à la suite des mesures draconiennes émises par le conseil municipal de l’époque.
Le moulin a donc été transformé en logements d’habitation avec la suppression totale des mécanismes d’entraînement de puissance des machines installées 80 ans auparavant. Il s’en est suivi, l’explosion de la roue par sa mise en survitesse, suite à une fausse manœuvre des vannages et le creusement du passage de la vanne lançoire, engendrant un écoulement forcé par le dégagement des briques sous la roue.